C’est un de ces soirs ordinaires du milieu de la semaine. Un groupe de jeunes femmes est assis à une table dans un grand appartement du centre de Lyon.
Ce n’est pas chez elles, tout en France est un nouveau départ.
Elles vivent dans des logements temporaires mis gratuitement à disposition par la population locale, essayant d’apprendre le français et de trouver du travail. Leur temps libre et toutes leurs pensées vont au pays où elles sont nées, l’Ukraine.
Pratiquement six mois après le déclenchement du conflit, une certaine lassitude s’est installée quant à sa couverture dans les média. Dans l’opinion publique, l’attention est aussi moins focalisée qu’elle ne l’était au début de la guerre. L’objectif de ce groupe de jeunes femmes est ainsi de tout faire pour maintenir la sensibilisation de la population lyonnaise sur les derniers événements qui se produisent dans leur pays d’origine. Cette cause est un moteur qui les fait avancer. Ensemble, elles préparent une action qui aura lieu dans les prochains jours à Lyon, un rassemblement où elles brandiront des pancartes , qu’elles sont en train de réaliser, pour ne pas se faire oublier.
Ce soir, l’atmosphère est calme et amicale, mais on a l’impression que chaque discussion touche une corde sensible. Malgré toute l’aide que l’État français et des habitants de Lyon impliqués apportent à ces réfugiées, elles ne se sentent pas totalement compris. Elles ne croient pas que la guerre qui a détruit ou mis en danger leurs maisons, menace quotidiennement leurs proches et n’a rien laissé de ce à quoi ressemblait leur vie d’avant, soit prise suffisamment au sérieux ici.
Elles ont le sentiment que la guerre est de plus en plus oubliée, considérée comme une information parmi d’autres ou quelque chose loin des problématiques des gens qu’elles rencontrent ici à Lyon. Alors que pour elle, cela reste une plaie ouverte qui fait mal 24 heures sur 24.
« Faisons une liste des arguments, pourquoi cela touche aussi les Français« , suggère l’une d’elles lors d’un brainstorming visant à trouver des slogans pour des affiches. On cherche de grande thématique : « Crise alimentaire annoncée ? Prix du carburant ? La Russie ne s’arrêterait pas en Ukraine si elle gagnait ?«
Puis une autre lance : « Ok, disons que nous avons réussi à atteindre ces personnes. Comment peuvent-elles nous aider ? «
Les idées fusent. « On peut leur demander de faire pression sur leur gouvernement ! De Demander à appeler la Russie un État terroriste. Ou de faire un don. Mais certaines personnes ne veulent pas faire de don à notre armée, car elles ne veulent pas soutenir une action militaire. Mais ce sont des gens comme nous qui meurent, c’est pareil. Mais, il y a des actions humanitaires à mettre en place pour aider les civils « , énumère Diana Dimitrova.
Elle poursuit. « Nous avons besoin d’aide, nous avons besoin de gens pour faire un don à l’Ukraine. Sinon, ce « monde russe » pourrait arriver n’importe où. Nous ne devons pas sous-estimer la Russie, ce qu’elle fait a un impact sur tout le monde. Regardez les prix, par exemple, de l’énergie et des matières premières Et n’oubliez pas qu’ils ont des armes nucléaires. L’Ukraine se bat non seulement pour sa liberté, mais aussi pour la liberté des autres« .
Lidiya vient de Dnipro. Elle est arrivée en France après le début de la guerre. Elle a déjà participé à un rassemblement comme celui que le groupe prépare. Elle indique qu’il est important pour elle d’apporter sa contribution à la diffusion de l’information sur la guerre en Ukraine. Elle pense que si le monde aide son pays, l’Ukraine va aider le monde entier. De plus, Liliya trouve l’atmosphère de soutien parmi ces militantes très utile et importante pour elle. Elle trouve aussi très important d’aider l’armée ukrainienne à grâce à des événements caritatifs qu’elles organisent. « Nous devons tous remettre la Russie à sa place« , ajoute-t-elle.
Avec leurs affiches qu’elles viennent de terminer, le groupe va se rendra en ville pour attirer l’attention sur leur cause. Elles avancent que ce sera un flashmob. Elles se positionneront dans le centre touristique de la ville parmi la foule insouciante, un reflet de la réalité, pensent les manifestantes.
Lors d’une de leurs actions, nous rencontrons Mila, qui était présentatrice pour une télévision de Kyiv, la capitale de l’Ukraine. La jeune femme n’a rien laissé derrière elle dans sa ville natale de Marioupol, où vivaient les membres de sa famille, aujourd’hui réfugiés. Devant l’opéra de Lyon, elle brandit une pancarte, où est écrit en français « La seule différence entre toi et un réfugié, c’est la chance« .
Le groupe prépare actuellement un événement pour marquer le sixième mois de l’invasion russe de l’Ukraine. Ce jour sera aussi encore plus symbolique puisqu’il marquera aussi le 31ème anniversaire de l’indépendance du pays.
Le 24 août à 18h, elles défileront avec des pancartes un drapeau ukrainien de 8 mètres de long depuis la place Terreaux, en plein centre de Lyon. La marche se terminera sur une autre grande place – la place Bellecour – dans le deuxième arrondissement de la ville, où les organisateurs prévoient d’inviter la foule à recréer le contour de l’Ukraine avec ses frontières souveraines.
Les Ukrainiennes et Ukrainiens espèrent ne pas marcher seuls le jour-J. Ils espèrent que les Français les rejoindront aussi, qu’ils soient représentant d’associations ou de de simples citoyens concernés par le sort de l’Ukraine.